Les sanctions occidentales imposées à la Russie en réponse à l’invasion de l’Ukraine ont eu un impact inattendu sur l’industrie nationale de la cybersécurité. En effet, privées d’accès aux systèmes de sécurité informatiques étrangers, les entreprises russes se tournent désormais vers les solutions développées localement, ce qui stimule considérablement la croissance du secteur.
Un essor fulgurant porté par les sanctions occidentales
Parmi les acteurs qui ont le plus profité de cette situation figure ItProtect, anciennement connue sous le nom d’Infozachita. En 2022, l’entreprise a enregistré une hausse de +98 % de son chiffre d’affaires.
Cette croissance exceptionnelle est alimentée par une clientèle diversifiée comprenant des banques, telles que Promsvyazbank, Veb et Sberbank, le géant du nucléaire Rosatom et même l’expert en cybersécurité Kaspersky.
Plus récemment, le foreur pétrolier Evraziya a rejoint la liste des clients d’ItProtect, contraint de se passer des systèmes de sécurité étrangers devenus inaccessibles suite aux sanctions.
Cette tendance est renforcée par deux décrets présidentiels promulgués en 2023. Ces derniers interdisent aux organisations étatiques d’acquérir des programmes de sécurité étrangers pour protéger leurs infrastructures critiques à partir de janvier 2025.
Ils imposent également aux entreprises les plus stratégiques et aux collectivités locales de mettre en place des responsables de la sécurité de l’information et des équipes dédiées.
Les acteurs locaux doivent tirer leur épingle du jeu
Si le nombre de cyberattaques en Russie n’a pas connu de hausse significative en 2023 par rapport à l’année précédente, leur complexité croissante a poussé de nombreuses entreprises à étendre leur champ d’action.
C’est le cas des groupes Garda et K2 Kiberbezopasnost, qui ont opéré une fusion afin de développer des dispositifs conjoints de protection des données et de lutte contre les attaques cyber.
En mars, K2 a annoncé avoir séduit l’une des plus grandes compagnies d’assurance russes avec ses solutions, tandis qu’Infoteks officialisait en avril un partenariat avec les services fiscaux russes.
Loin d’avoir paralysé son industrie de cybersécurité, l’isolement technologique imposé à la Russie a paradoxalement stimulé sa croissance et son développement.
Contraintes de se tourner vers des solutions locales, les entreprises nationales ont su relever le défi et proposer des produits et services compétitifs, renforçant ainsi l’autonomie technologique, en particulier dans un domaine primordial et sensible tel que la sécurité nationale.
L’enjeu qui se pose désormais pour l’industrie russe de la cybersécurité est de rattraper son retard sur ses homologues étrangers en matière de recherche et développement, d’innovation et d’expertise.
L’absence d’accès aux technologies et aux connaissances étrangères pourrait freiner sa progression à long terme. De plus, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le domaine constitue un obstacle majeur à sa croissance future.