L’ère de l’entreprise au périmètre strictement réservé à ses salariés est-elle révolue ? Il semblerait en effet que depuis quelques années son profil ait changé ; plus ouverte, plus flexible, celle-ci fonctionne désormais davantage sur la base de partenariats. C’est le principe de l’entreprise élargie ou étendue. Fondée sur l’externalisation de quelques-unes de ses forces vives, elle se meut en une organisation évolutive, à l’écoute de ses besoins. L’entreprise élargie est-elle le concept de demain ? Définition, avantages, inconvénients : décortiquons ensemble cette nouvelle donne. Voyons aussi comment l’essor du freelancing et la digitalisation contribuent à ce fonctionnement.
L’entreprise élargie : définition et structure
Qu’est-ce qu’une entreprise élargie ?
L’idée de l’entreprise élargie serait apparue dans les années 90, à l’initiative du constructeur automobile Chrysler qui souhaitait partager des informations avec ses entreprises partenaires. Depuis cette vision a fait son chemin et l’entreprise élargie se taille une place dans les organisations et les process. Ce sont les grands groupes qui ont en effet reproduit assez rapidement cette manière de s’organiser avec la priorité de conserver une position de leader sur leurs marchés. Si la mondialisation a donc joué un rôle important au départ, l’avènement des technologies de l’information depuis 2010 a largement contribué à son développement.
Dans un monde où la concurrence fait rage, où la production doit être accrue et incessante, nombreuses sont les entreprises qui choisissent de se concentrer sur leur activité principale, sur leur cœur de métier donc. Elles réservent à l’interne les fonctions clés tandis que d’autres métiers sont externalisés.
En conclusion, on peut dire que l’entreprise étendue est pour ainsi dire un groupement d’entreprises et/ou d’indépendants qui ont pour habitude de collaborer. Mais dans quel but ce mode de fonctionnement a-t-il été instauré ? Si améliorer la productivité de l’entreprise est la raison majeure, c’est aussi l’occasion de bénéficier de compétences et d’expertises nouvelles pour acquérir d’autres savoir-faire.
Comment est structurée une entreprise élargie ?
De façon très évidente, l’organisation de l’entreprise étendue est la suivante :
- L’entreprise occupe le rôle du pilote ou du « maître d’œuvre », elle est au cœur des process et reste donc la principale décisionnaire. Elle garde en son sein à minima la direction générale, la direction des ressources humaines, la direction financière, le commerce et le marketing et la direction des systèmes d’information.
- Autour d’elle gravitent ensuite les forces externes avec qui l’entreprise, en tant que chef de projet travaille en étroite collaboration : les fournisseurs, les banques, les actionnaires, les distributeurs, les franchisés, les cabinets de conseil et même les clients ! Ça en fait du monde !
On évoque une intégration horizontale lorsqu’il s’agit d’un rapprochement entre des entreprises aux métiers complémentaires. Et une intégration verticale lorsque les entreprises présentent le même métier.
L’entreprise élargie : une organisation avantageuse
La synergie de connaissances, de compétences et de process présente évidemment de nombreux avantages :
- De grands projets peuvent être menés plus facilement. De nouvelles idées émergent de ces diverses collaborations, rendant ainsi l’entreprise plus forte et plus réactive face à la concurrence.
- Une structure hétérogène, non figée, qui évolue sans cesse au gré des besoins de l’entreprise pilote se met en place. Celle-ci est résolument plus agile et plus flexible.
- L’entreprise peut bénéficier dans les meilleurs délais de nouveaux talents en faisant appel à des travailleurs indépendants. Nul besoin en effet de se lancer dans une procédure de recrutement, souvent longue et fastidieuse, pour un projet ponctuel. Missionner un freelance est un gain de temps manifeste.
- L’innovation est quasi illimitée avec la mise en commun des compétences de bureaux d’études, de start-up, de freelances par exemple.
- La réduction de certains coûts est non négligeable (département logistique notamment).
- Les salariés se sentent mieux au travail et voient leurs missions se diversifier. Ils collaborent avec de nouvelles personnes, sont chargés parfois de la « gestion » d’un freelance.
L’entreprise étendue : risques et prudence
Toutefois, si cela semble idéal, on observe tout de même quelques contraintes. Souvent difficile à instaurer selon la taille de l’organisation, le concept n’est pas 100 % parfait.
- Il requiert un système d’information sécurisé et puissant pour assurer la connexion de nombreuses personnes. Ce type d’installation est évidemment onéreux pour une TPE/PME ou une start-up qui peut donc difficilement envisager un tel fonctionnement.
- On redoute avec ce nouveau profil d’entreprise une forte diminution à terme des emplois salariés au profit de projets et de missions menés ponctuellement par des indépendants.
- Il faut veiller à mettre en place des contrats avec des clauses précises entre l’entreprise et ses partenaires sous peine que celle-ci perde son statut de décisionnaire final.
- Quelques questions restent en suspens au sujet notamment du management de ces forces externes. Comment les regrouper et leur inculquer le sens de l’indépendance ? Les directions des ressources humaines ont également des difficultés à se positionner quant à la gestion des freelances, partie intégrante de l’entreprise étendue.
- Comment bien délimiter la frontière entre les activités stratégiques de l’entreprise et celles qui nécessitent une externalisation ? Une collaboration excessive, trop étroite et systématique avec des prestataires peut-elle mener à une trop forte dépendance ? L’entreprise peut-elle y perdre ses valeurs, son ADN, son identité ?
- La confiance est primordiale dans ce type de fonctionnement : la fuite des données est une préoccupation centrale dont soit se prémunir l’entreprise élargie.
L’essor du travail indépendant en faveur de l’entreprise étendue
Freelancing et agilité
Le salariat n’attire plus autant qu’avant et nombreux sont ceux qui se lancent à leur compte. Autrement appelé le freelancing, c’est un véritable phénomène qui s’abat sur la France depuis quelques années. Expertise, flexibilité, mais aussi disponibilité rapide : c’est en partie ce que propose le freelance aux entreprises et c’est aussi ce qu’y gagne l’organisation à se tourner vers des prestataires.
Les domaines les plus convoités par les freelances ? L’IT, les métiers de l’image, de la communication et du web marketing…
Les grandes entreprises ont compris l’importance de se tourner vers cette nouvelle manne, avide de projets innovants et opérationnelle de suite ! Exit la période initiale de formation à laquelle chaque salarié a droit dès son embauche : le freelance a pour habitude de vite s’adapter à l’organisation et à son écosystème et de proposer une première réponse. Le recours aux indépendants accroit de façon considérable l’agilité d’une organisation. Et c’est bien là le principal enjeu de l’entreprise étendue.
Le freelance a en plus plusieurs profils : ce peut être soit un jeune qui se lance dans la vie active, soit un ancien cadre expérimenté… Quel que soit son parcours, l’indépendant partage bien plus que des compétences. Sa vision de l’entreprise, son dynamisme, ses idées, sa gestion du temps de travail sont autant d’éléments qui révolutionnent les mentalités du monde du travail.
Le freelance vu par les Directions des Ressources Humaines
Face à ce déferlement de freelances, il incombe aux directions des ressources humaines de s’adapter pour accompagner à la fois les ressources internes et externes. Dans les grands groupes en effet, les freelances ne peuvent plus se contenter d’être référencés ou non par la direction des achats. La DRH doit adopter une nouvelle posture afin d’onboarder et de fédérer ces forces externes autour d’un même projet. Tant que ce virage n’est pas emprunté, aucun positionnement clair vis-à-vis des freelances ne pourra être assuré.
Si c’est encore un peu flou dans ce type d’entreprise, la PME ou la TPE aura davantage tendance à passer outre ce soi-disant manque de lisibilité : le recours à un freelance se fait au cas par cas, selon les besoins et se base essentiellement sur une relation de proximité et de confiance.
Moralité : les DRH n’ont plus le choix que de s’ouvrir à ces nouveaux talents. Ils sont un élément clé de l’entreprise étendue, elle-même incontournable pour la compétitivité de l’organisation.
La digitalisation, accélérateur de tendance
La digitalisation est au cœur de nos sociétés et son importance est telle qu’elle est devenue aujourd’hui incontournable. Revenons un instant dessus. Son principe est en effet de transformer un processus ou un objet traditionnel par une technologie digitale. Le but ? Le rendre plus performant évidemment.
Cette révolution s’est mise en marche à l’arrivée d’internet pour ne plus s’arrêter ensuite et s’immiscer dans nos vies quotidiennes. L’e-mail a remplacé le courrier, le e-commerce révolutionne les achats en proposant bien plus de références que les boutiques physiques…
Instagram, Trello, Google et les autres
L’entreprise n’a pas tardé à succomber à la révolution numérique ; il faut dire qu’elle a de sérieux atouts ! Les nouveaux outils informatiques et les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, YouTube et le dernier-né TikTok rapprochent les entreprises de leurs clients, mais pas seulement. Tous les prestataires peuvent aisément échanger autour de projets communs. Les technologies modernes, telles que la visioconférence et le Cloud Computing entre autres, favorisent une collaboration et une communication efficace.
De nouveaux outils comme Trello, Notion ou Monday sont aussi apparus et facilitent le travail en commun que l’on soit interne ou externe à une entreprise. Les outils de Google (Google Drive notamment) ouvrent également à l’infini les possibilités de partage.
Et pour fonctionner vite et bien, aucun de ces outils n’aurait de puissance sans une connexion internet à haut débit. Le numérique est résolument indispensable pour que l’information circule de façon fluide et en tout lieu. De nos jours, il n’est plus obligatoire d’être assis à côté dans un bureau pour travailler ensemble. Le digital rapproche et gomme les frontières. Il engendre par conséquent de nouvelles méthodes de travail. L’entreprise étendue trouve là toute sa raison d’être !
Tout porte à croire que l’entreprise telle qu’on l’a connu jusque-là est amenée à disparaitre, tout du moins à se transformer. La mondialisation et la concurrence lui imposent un rythme soutenu, mais aussi un renfort d’attractivité et une compétitivité sans faille. Le concept de l’entreprise étendue, qui offre une nouvelle vision du travail, est une solution à ces diktats. Les freelances, un gisement de talents encore oublié ou sous-estimé, complètent les équipes. La digitalisation encourage le partage des données et le travail collaboratif. Avec l’entreprise élargie, l’ouverture est maximale !